Guy Béart, grande et vive voix de la chanson française

Le chanteur Guy Béart est décédé le 16 septembre 2015, il n’a pu être ranimé après une chute près de chez lui, à Garches (Hauts-de-Seine) alors qu’il se rendait chez le coiffeur. Le monde de la chanson lui a rendu hommage. Toute la France continuera à chanter "L’eau vive". Il se voyait comme un troubadour rêveur et n’avait qu’un seul souhait : que ses chansons demeurent dans le folklore français. "J’ai toujours voulu être un anonyme et que les œuvres survivent. C’est ce qui se passe d’ailleurs: beaucoup de gens connaissent mes chansons sans savoir que c’est moi qui les ai écrites et composées", disait l’auteur de "L’eau vive", la ballade qui l’a rendu célèbre en 1957. Des générations de Français l’ont apprise sur les bancs de l’école ou en colonie de vacances.

C’est évidemment cette ode à la liberté du chanteur aux yeux bleus (comme l’appela Juliette Gréco la première fois), que le public de l’Olympia a repris deux fois en chœur en janvier dernier lors du tout dernier concert. Un adieu à la scène en quatre heures de chansons ponctuées de duos avec sa fille, l’actrice Emmanuelle Béart et avec Julien Clerc.

Son parcours dans le paysage musical français a duré près de 60 ans, oscillant entre période de succès et longues éclipses. Il avait pris place dans le groupe des "grands B" de la chanson française avec Barbara, Brel et Brassens mais n’a pas été couronné de la même aura par les médias et la critique musicale. "J’ai toujours été très étonné que l’on parle toujours beaucoup de Brassens et de Brel, Nougaro, Gainsbourg de lui jamais. Je n’ai jamais compris ça" regrette Alain Souchon. Une querelle théologique et musicologique avec Gainsbourg sur le sujet ela chanson un art mineur ou majeure qui fut un grand moment de télévision vaudra à Guy Béart d’être taxé de grand naïf.

Né Béhart le 16 juillet 1930 au Caire, ce fils d’un expert-comptable débarque à Paris à l’âge de 17 ans, il étudie au lycée Henri IV avant de se lancer dans des études scientifiques. Jusque-là, rien ne le prédestine à la chanson. Mais à peine diplômé, l’ingénieur des Ponts et chaussées, spécialiste de l’étude des cristaux et de la fissuration du béton, refuse des propositions d’embauche et se balade entre Saint-Germain-des-Prés et la Méditerranée, guitare en bandoulière.

Pendant ce parcours de troubadour, le jeune homme est copiste de musique, barman, cuisinier, professeur de géométrie, ouvrier ferrailleur… Le soir, il joue de la guitare chez Michel Valette, un vieil ami du Quartier latin, au cabaret La Colombe. Il se fait remarquer et commence à écrire des chansons pour Juliette Gréco, Yves Montand, Marie Laforêt, Dalida…

Sa rencontre avec le cinéaste François Villiers et l’écrivain Jean Giono marque un tournant dans la vie de Guy Béart qui compose la musique de leur film, "L’eau vive". Du jour au lendemain, il devient populaire. Toute la France chante "L’eau vive", comme elle fredonnera plus tard "Qu’on est bien", "Les couleurs du temps", "Il n’y a plus d’après" ou "La vérité".

Cet amoureux du verbe, auteur de plus de 200 chansons et de trois livres, a souvent chanté des textes autobiographiques n’hésitant pas à évoquer sa lutte victorieuse contre un cancer au début des années 1990. Artiste gai sans amertume, il avouait être de gauche quand il méditait mais de droite quand il agissait, et plaidait pour la tolérance: "la seule chose capable de nous sauver".

Dans son dernier album, paru en 2010, il portait un regard plus acerbe sur la société et, nostalgique, regrettait "le temps des chansons dans l’esprit feu de camp".

Distingué par plusieurs prix, Guy Béart préférait s’en amuser avant de faire ses adieux à la scène: "Je suis très inquiet quand les honneurs pleuvent, c’est que la mort est proche. Et après la mort, c’est pire".