Le 30 mars 2015 est sorti "Joyeux anniversaire M’sieur Dutronc", un énième album hommage qui encore une fois permettra à des artistes à l’imagination limitée de rester sur le devant de la scène grâce au travail d’un autre. Recycler plutôt que créer, c’est une décision qu’on pourrait voir d’un très bon œil dans notre société de plus en plus écolo. Artistiquement, recycler est en revanche un terme plutôt négatif. Souvent, on se sert de matériaux existant pour commencer à se faire connaître. On fait des reprises de classiques pour montrer qu’on sait faire comme les plus grands. Et les petites salles préfèrent souvent que les petits groupes se cantonnent à un répertoire connu pour que le public s’y retrouve. Il arrive aussi qu’on reprenne pour rendre hommage. Ce que fait par exemple Bob Dylan avec Franck Sinatra en ce début d’année 2015 avec un superbe disque de reprise. Le problème avec les hommages, c’est qu’on ne sait jamais vraiment départager la bonne intention de l’intérêt commercial.
Depuis le succès de la génération Goldman, l’industrie française du disque inonde le marché d’albums hommages en tout genre. La bande à Renaud, les enfants du top 50, les Forever Gentlemen, les reprises de Charles Aznavour, sans compter les divers artistes qui se lancent seuls dans un disque de reprises comme Gilbert Bécaud ou Amaury Vassili. Au point qu’on est en droit de se poser des questions sur l’importance du côté commercial dans ces démarches artistiques. Pour sûr, chaque artiste peut individuellement se justifier en prétextant un amour de jeunesse pour le répertoire de son aîné qu’il reprend bien souvent en le dénaturant complètement (Black M reprend du Aznavour, Tal chante Envole Moi, Joey Starr à venir sur l’hommage à Jacques Dutronc…). Et on ne peut au final pas leur reprocher d’avoir de l’admiration pour le répertoire des grandes figures de la chanson française qui dépasse le leur de loin en termes de durabilité et de qualité.
Mais cette affluence de disque de reprise est un poison pour le paysage musical français qui souffre déjà de la domination du Wati B sur le rap/variété. Ce qu’on pouvait prendre pour un acte honnête est devenu un phénomène de mode sur lequel les maisons de disque surfent sans se poser la question de ce que ces reprises apportent en valeur ajoutée à la chanson française, à savoir absolument rien puisqu’elles ne donnent lieu à aucune création. Les artistes finissent par apparaître plus souvent sur les disques des autres que sur les leurs, à croire que leurs albums ne se vendent pas assez où que la solitude leur pèse tous terriblement dessus. Commercialement, cela leur permet de se faire connaître par un autre public que le leur, de sortir de la fan base jeune pour plaire à la ménagère de 40-50 ans. Sans parler des artistes sur le déclin ou le retour, à vous de juger, qui profitent de l’occasion pour refaire surface médiatiquement en allant afficher leur sourire dans le clip du premier single extrait.
La chanson française recycle et les plus pénalisés, ce sont les artistes que l’on ne connaît pas encore, ceux de demain qui composent, innovent, et surtout attendent leur tour. Mais on le sait, l’ère n’est plus à la prise de risque. Pourquoi donner de la visibilité à de nouvelles têtes qui risqueraient de concurrencer ceux déjà en place alors que le public achète encore et toujours la même soupe ressassée ? Si le recyclage n’est pas bon pour la culture, il reste encore un moyen efficace de faire de l’argent.